Des routes mal faites, des bâtiments officiels et scolaires inachevés, des difficultés d’obtention des documents admiratifs dans un délai raisonnable, des lenteurs délibérées dans l’administration publique etc. Voilà les effets de la corruption au Togo. Un fléau qui résonne dans tous les secteurs d’activités du pays et ralentit somme toute son développement. N’y a-t-il pas là des raisons évidentes à chaque citoyen togolais soucieux du développement du pays de mener un combat acharné contre cet ennemi commun qu’est la corruption ?
Vous avez dit corruption ? Et oui, la corruption dans ses manifestations, détourne des fonds destinés au développement des services essentiels tels que l’accès à l’eau potable, les soins de santé, l’éducation, l’assainissement et le logement. La corruption est une réalité qui mine la vie sociale, économique et politique au Togo. En 2019, le Baromètre mondial de la corruption a révélé que les Togolais sont conscients de ce phénomène.
Tenez ! 55% d’entre eux pensent que la justice est corrompue et 57% pensent que la corruption a augmenté. Tout est donc bien parti pour que le combat contre ce fléau soit l’une des premières priorités de tous Togolais. « Tout le monde doit se sentir concerné », martèle toujours le président de la Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées, Kimélabalou Aba. La corruption entrave l’élimination de la pauvreté et nourrit l’inégalité et l’injustice. Ce phénomène complexe se manifeste par des pots-de-vin, la fraude, le favoritisme et le clientélisme. Dans tous les domaines où elle sévit, la corruption a des conséquences négatives.
La corruption et le développement des infrastructures
Lorsque des contrats juteux sont en jeu, la corruption s’invite pouvant compromettre la bonne exécution des travaux. Ces pratiques peuvent aboutir à des détournements de fonds, à un abandon des travaux et pire, à des infrastructures qui ne sont qu’en partie achevées ou qui ne répondent pas aux normes. Voire qui sont dangereuses.
Les risques pour de tels joyaux sont immenses pour toute la nation. Par exemple, une route, un forage mal réalisés ou une école mal construite, une mauvaise installation électrique dans un marché, un immeuble qui s’écroule, voyez-vous le nombre de morts, de blessés et l’ampleur des dégâts ? L’observateur Bidiwana Essowè estime que les racines profondes d’une infrastructure mal réalisée se trouvent très souvent dans la corruption. « Généralement, si un immeuble s’effondre, on vous dira selon les enquêtes que les fonds ont été détournés ou un pourcentage a été versé à une personnalité», a-t-il affirmé.
Des fonds peuvent également être affectés à des secteurs non prioritaires mais qui servent d’enrichissement personnel. Ainsi, des pots-de-vin versés à des personnes haut perchées occasionnent de détournements de projet de construction d’une infrastructure vitale pour un milieu vers un autre où le projet est bien moins nécessaire. Lorsque les marchés sont attribués à des entreprises non compétentes, la qualité du travail s’en ressent.
La corruption et l’éducation
Dans le secteur de l’éducation, la fraude académique sévit. Elle est considérée comme une grave menace à l’intégrité et à la fiabilité des diplômes de l’enseignement supérieur. Selon plusieurs médias, le Nigéria a récemment levé la suspension des diplômes délivrés par les universités du Togo. Mais cette reconnaissance concerne uniquement les diplômes émis par trois institutions accréditées à savoir les Universités de Lomé et de Kara et l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO). Preuve que certaines universités délivrent des diplômes contre de l’argent.
Dans le but de « réaliser les objectifs de l’assurance qualité dans le système éducatif au sein des établissements d’enseignement supérieur et réaliser l’égalité entre les étudiants du public et du privé », lit-on dans un communiqué, le gouvernement a transformé l’Office du brevet de technicien supérieur en Office des examens professionnels du supérieur (OEPS). C’était lors du conseil des ministres du mercredi 10 janvier 2024. Si les jeunes en viennent à penser que les notes et les diplômes à l’université sont à acheter, il va sans dire que l’avenir économique, social voire politique du pays est mis en danger puisqu’ils sont censés être la relève de demain.
Outre la fraude, le secteur observe du gaspillage lié aux passations des marchés. Elles concernent notamment les bâtiments scolaires. Par ailleurs, la falsification des frais d’entretien et la surfacturation des manuels jamais reçus reviennent très chers aux populations. Les enseignants fictifs dans les écoles pèsent lourdement sur les dépenses publiques. Ce phénomène compromet sérieusement le niveau d’instruction ; l’école en pâtit et les populations s’enfoncent davantage dans la pauvreté.
La corruption et la santé
Un système de santé efficace est l’un des services primordiaux que le gouvernement doit fournir aux citoyens. Malheureusement, la corruption assèche les budgets alloués au secteur de la santé. Ce qui réduit la capacité du gouvernement à fournir les médicaments et équipements essentiels à la population dans les hôpitaux. En outre, il y a risque que les produits dangereux apparaissent sur le marché.
La corruption absorbe également les fonds destinés à des infrastructures nécessaires telles que des hôpitaux, des cliniques et des écoles de médecine. Dans certains pays, le système de santé publique est perçu comme étant l’institution la plus corrompue du service public, et ce problème affecte le développement. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), indique que les pays où la corruption est la plus forte sont ceux où les taux de mortalité juvénile sont les plus élevés.
Une volonté politique
Depuis que les voix ont commencé par s’élever contre le phénomène, l’État Togolais a adhéré aux mécanismes internationaux et a mis-en en place d’autres au plan national. Cette volonté est traduite par la création en 2015 de la Haute Autorité de Prévention et de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HAPLUCIA) pour la prévention et la répression. On note également la création de 11 infractions liées à la corruption dans le Code pénal de 2015 (Art 594 à 621), Le renforcement de la CNDH, la possibilité de porter plainte contre les officiels au niveau des deux chambres administratives des Cours d’Appel de Lomé et de Kara.
La HAPLUCIA a validé une nouvelle stratégie de lutte contre la corruption en octobre 2022. Ce nouveau plan, conforme aux standards internationaux, couvre la période 2023-2027 et s’articule autour de trois axes : le renforcement du cadre juridique et institutionnel, la mobilisation de toutes les couches de la population et des actions de renforcement de l’intégrité et la transparence au sein de l’administration publique.
Le Togo s’est également doté de plusieurs mécanismes pour combattre et faire changer les comportements sur la corruption. Pour le gouvernement, il s’agit de mieux coordonner le combat contre la corruption : « Nous avons choisi de faire une lutte axée sur un triptyque : information, prévention, répression », explique Christian Trimua, alors le ministre chargé des relations avec les Institutions de la République. Il a invité les différents acteurs à se joindre aux efforts du gouvernement.
Citoyens engagés
L’engagement citoyen est défini comme la participation active et démocratique des membres d’une communauté au développement et au mieux-être de leur milieu. Entre 2018 et 2023, la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA), a reçu 88 plaintes et dénonciations relatives aux pots-de-vin. Les membres des organisations de la société civile, les professionnels des médias et les jeunes prennent part aux séances d’information et de formation organisées par la HAPLUCIA.
La corruption est un phénomène complexe. Elle soulève de nombreuses interrogations. Eu égard à son impact sur le bien-être des citoyens et le développement du pays, il urge que tous les Togolais s’engagent activement dans la lutte anticorruption au Togo. Les institutions impliquées devraient appliquer les lois existantes et en informer les citoyens. Dans ce combat, l’Etat devrait adopter une loi-cadre anti-corruption et une autre, pour protéger les lanceurs d’alerte.
MEMEME ABDOURAZAKOU
Septentrional